mercredi 3 décembre 2014

Le Canal de Panama : un siècle d'histoire



1914-2014 = 100 ans de petites et grandes histoires autour du canal de Panama.

Au milieu du XIXe siècle, l’utilisation de plus en plus répandue de la machine à vapeur accélère les échanges internationaux. Les grands projets se multiplient sur tous les continents avec le même objectif : raccourcir les temps de transport. À cette époque, la palme de la démesure revient au Français Ferdinand de Lesseps alors à la tête de la Compagnie universelle du canal maritime de Suez. Inauguré le 17 novembre 1869, le canal de Suez réduit de 42 % la distance entre Liverpool et Bombay. À 12 000 kilomètres du Caire, les Américains, grâce à une concession accordée par le gouvernement colombien, ont construit une voie de chemin de fer, la Panama Railroad, entre 1849 et 1855, au prix de douze mille morts. Reliant l’Atlantique au Pacifique, elle est empruntée chaque semaine par les milliers d’émigrants européens qui se rendent en Californie pour participer à la ruée vers l’or.


En 1875, le Panama est encore un pays mystérieux. Bien que l´isthme ait été une des premières terres colonisées par les Européens, son territoire est encore largement inexploré, recouvert de jungles impénétrables où seuls les plus téméraires s´aventurent. Les dangers y sont nombreux : crocodiles, félins, serpents venimeux, et surtout les fièvres tropicales dont on ignore encore le mode de transmission. Pourtant c’est dans ce pays-ci que les Européens et les Américains se battent pour être le premier à construire un canal reliant les océans Pacifique et Atlantique.

Toute l’épopée de la construction est évoquée dans cet ouvrage : depuis les premiers débats enflammés lors du Congrès de la Société de Géographie de 1875 jusqu’à la rétrocession du canal au Panama à la fin du XXe siècle en passant par l’évocation du fameux scandale. Les documents inédits conservés dans les archives de la Société de Géographie, et à l’origine de la plupart des projets envisagés pour ce canal, ont été triés, scannés et restaurés avec soin afin de donner à lire les travaux par l’image, les cartes d’époque et les infographies actuelles, les rapports de mission et les premières photographies documentaires. D’autres images issues des collections propres de l’auteur et de Panaméens viennent enrichir cet ouvrage richement illustré.

L'auteur : Marc de Banville a débuté sa carrière comme journaliste, caméraman pour TF1 dans les années 90. Il s’est particulièrement intéressé au Panama, au Front Farabundo Martí de libération nationale au Salvador, aux élections en Haïti, en Colombie et au Nicaragua. Il a également travaillé pour l’agence CAPA, d'abord à Barcelone, puis Paris, filmant et réalisant des documentaires sur de nombreux pays en conflit comme l’Irak ou Haïti. Il a travaillé pour les programmes de télévision Envoyé Spécial, Arte Info, l’Effet Papillon, Zone Interdite et Thalassa.

Depuis 2004 Marc de Banville s’intéresse à tout ce qui touche à l’histoire du pays et du canal et le fait découvrir à travers des écrits, des images et des conférences qu’il anime aussi bien sur place que dans le monde entier. Il travaille actuellement sur différents ouvrages et films traitant également du Panama. Lorsqu’il n’est pas au Panama, Marc de Banville vit principalement à Paris.

Le Canal de Panama : un siècle d'histoire est plus qu’un livre d’histoire, c’est un témoignage de l’épopée humaine et technique.

  • Univers: Le voyage & l'exploration
  • Type: Beau livre
  • Collection: La Société de géographie - La Société des explorateurs
  • Format : 240 x 320 mm
  • 192 pages
  • Façonnage: Cartonné
  • Paru le 26.11.2014
  • EAN/ISBN : 9782344002810
Prix : 39.00 €   

Gérard Conreur

samedi 1 novembre 2014

14-18 : au-delà de la guerre



Comment la Grande Guerre a bouleversé la société française...

La guerre de 1914-18 a marqué l’entrée de la France et du monde dans le XXème siècle, transformant profondément la société française. 

C’est un événement global qui s’étale sur cinq années, accueille en France des corps expéditionnaires venus du monde entier, entraîne des destructions gigantesques, voit entrer massivement les femmes dans le monde du travail et tente de terminer la réalisation de l’unité nationale française, autour de la République.
C’est une réalité terrible, qui va profondément modifier la mentalité et les conceptions du monde, de ceux qui sont jetés dans la bataille, mais aussi de tous ceux qui attendent à l’arrière. 

« 14-18 : Au-delà de la guerre » s’attachera à rendre compte des métamorphoses de la société française, dans une collection de 6 films de 52 mn, en suivant le destin de celles et ceux qui vécurent le conflit, souvent bien loin des tranchées. Cette collection sera notre album de famille commun. 

Diffusion du 8 au 15 novembre sur les 24 antennes régionales de France 3. Avec la voix de Romane Bohringer (l'appartement, La marche de l'empereur). Ces films ont reçu le label : "Centenaire" délivré par la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale.

Mon avis : nous avons tous en tête les mêmes images de la Grande Guerre. Des images du front plus ou moins reconstituées, soit par propagande, soit en raison des limites du matériel cinématographique de l'époque ; gerbes d'explosion sans nombre, cratères gigantesques d'obus, charges héroïques des sorties de tranchées, barbelés, cadavres et pour finir l'horrible défilé des gueules cassées devant la caméra avec l'autre défilé : celui de la victoire avec ces amputés en fauteuils roulants sur les Champs Elysées. Images de fiction aussi : tous ces films qui ont pour théâtre les tranchées de 14-18. Ces films, il y en a des bons mais aussi des moins bons. Le filon est juteux car un siècle plus tard on continue de tourner mais dans tous les cas : actualité ou fiction, nous restons dans le chapitre militaire. Et quand enfin on parle de l'arrière, on évoque surtout les "planqués". Pendant cinq années, la Grande Guerre a totalement bouleversé, transformé définitivement la société française.  14-18 c'est le deuil d'une nation et la naissance d'un autre pays, celui dans lequel nous vivons désormais.

Gérard Conreur

Le coffret de 3 DVD soit l'intégrale des 6 films sera disponible le 12 novembre 2014 au prix de 29,99 euros

La Croisière Noire : les documents inédits


Première expédition automobile transafricaine, la Croisière Noire est un défi lancé par André Citroën à ses concurrents de l’époque. L’Expédition Citroën Centre-Afrique, deuxième mission Haardt-Audouin-Dubreuil, se révèle plus audacieuse encore que toutes les aventures connues jusqu’alors. Au raid sportif se substitue une course de fond de 20.000 kilomètres à travers le continent africain, dont les buts, toujours plus ambitieux, seront au départ de sa renommée.

L’itinéraire propose une voie nouvelle à travers le Sahara pour relier les colonies du Niger, du Tchad et de l’Oubangui-Chari avant d’atteindre le Congo belge. Puis cap sur le lac Victoria où la mission éclate en quatre groupes pour rejoindre Madagascar après avoir traversé le Kenya, le Tanganyika, le Nyassaland, le Mozambique et l’Afrique australe anglaise.

Pour raconter cette expédition, Ariane Audouin-Dubreuil, fille du commandant Louis Audouin-Dubreuil, chef des missions Citroën Centre Afrique et Centre-Asie, s’est plongée depuis une trentaine d’années dans les archives familiales. Grâce aux progrès des techniques de reproduction moderne, 150 reproductions en fac-similés jamais publiées sont aujourd’hui mises en avant dans une nouvelle version de cette épopée grandiose : La carte originale de l’expédition Centre-Afrique • La carte des itinéraires de ravitaillement • Le « code secret » mis au point par Citroën pour communiquer en toute confidentialité • Des recueils de chansons traditionnelles • Des câblogrammes et télégrammes officiels • Des récits de chasse • Des notes sur les chefferies, sur les sociétés secrètes ou sur la pratique de la taxidermie • Des extraits du journal de bord du chef adjoint de la mission • Des lettres manuscrites des explorateurs, etc.

Mon avis : La Croisière Noire s'est déroulée d'octobre 1924 à juin 1925. A cette époque, nous sommes sous la III° République, dans l'entre-deux-guerres pour les uns, les années folles pour les autres. Le Président de la République est Gaston Doumergue et la France malgré les ruines et les deuils de la Première Guerre Mondiale baigne dans une relative prospérité qui permet l'éclosion de personnages hors du commun. André Citroën est de ceux-là. La France possède encore un empire colonial important en Afrique dont le fleuron est l'Algérie. Elle est également présente en Indochine. D'ailleurs en 1930, le président Doumergue qui a été deux fois ministre des colonies avant d'accéder à la magistrature suprême fêtera les 100 ans de présence française en Algérie. La Croisière Noire s'inscrit dans cette aventure coloniale. Sorte de Paris-Dakar des années folles en ce qui concerne ce raid automobile mais qu'il faut replacer dans son contexte historique. Cet ouvrage, témoignage d'une époque révolue, est remarquable.

Gérard Conreur

La Croisière Noire: les documents inédits (Editions Glénat Livres)
  • Format : 240 x 320 mm, 176 pages
  • Façonnage: Cartonné
  • A paraître le 05.11.2014
  • EAN/ISBN : 9782344003763
Prix : 39.00 €

samedi 31 mai 2014

Un été 44...


Il y a 70 ans, un formidable espoir naissait sur les plages de Normandie. Le Débarquement si longtemps espéré était en marche. Ils étaient anglais, américains, canadiens, français, souvent jeunes. Beaucoup y laisseraient leur peau mais pour qu'en Europe, l'heure de la libération puisse enfin sonner.



Il y a de cela 70 ans, dans la nuit du 5 au 6 juin, une imposante flotte quitte ses ports de la côte anglaise et galloise pour se regrouper en un point situé au milieu de la Manche au Sud-Est de l’île de Wight, appelé laconiquement  Picadilly Circus. Cinq forces qui correspondent aux noms de code des zones de débarquement  Utah ,  Omaha ,  Gold ,  Juno  et  Sword  la composent. De là, le convoi naval se dirige vers les côtes françaises à travers les chenaux aménagés par les dragueurs de mines qui le précédent. C’est l’opération  Neptune  pilotée par la  Royal Navy.

L'opération n'est pas bénie des cieux. Depuis plusieurs jours, il fait gros temps en Manche.  Vent, paquets de mer, pluie forte. Un vrai temps de sauveteur breton, une météo à ne pas mettre un seul homme sur le pont.

Cette armada, la plus importante jamais imaginée, se compose de  6939 bâtiments  dont : 1213 navires de guerre, 4126 bâtiments de débarquement, 736 bâtiments de servitude et 864 navires marchands. Au dessus d'elle,  11590 appareils  zèbrent le ciel : 5050 chasseurs, 5110 bombardiers, 2310 avions de transport, 2600 planeurs et 700 avions de reconnaissance. Bientôt, au ronflement des moteurs qui s'amplifie chaque minute un peu plus, s'ajoutera le sifflement strident des chapelets de bombes.

Dès le  jour J , une dizaine de divisions alliées va réussir à débarquer au prix d’actions héroïques et sanglantes et établir une tête de pont avec toute la logistique indispensable à une offensive de longue haleine. Autour de Caen, les Allemands résisteront un mois mais à la fin juillet, et soutenus par les actions de sabotage de la Résistance,  1.500.000 hommes  auront pu débarquer en Normandie.

Mais le  Débarquement  ne signifie pas la fin des souffrances pour le vieux continent. La France connaîtra encore les martyres d’Oradour sur Glane et du  Vercors  et il faudra attendre près d’un an avant la capitulation définitive de l’Allemagne nazie mais sur les plages de Normandie va renaître ce formidable espoir qui fait taire les armes.



Un été 44...  Un dossier de Radio France Multimédia (mise en ligne 1er mai 2004 à l'occasion du 60° anniversaire).
Textes :  Gérard CONREUR et pour Paroles du Jour J : Jean-Pierre Guéno.
Crédits photo :  Paroles de Jour j-Ed les arènes, Les Orphelines de Normandie-Ed Circonflexe, Archives Normandie 1939-1945.


La nécessité d'un second front à l'ouest



Durant la Seconde Guerre mondiale, Américains et Soviétiques se partagent déjà le monde. Au front de l'Est répond un front de l'Ouest. Se fixe alors une  logique des blocs qui aboutira à Yalta.

Le  4 juin 1942, deux ans pratiquement jour pour jour avant le Débarquement de Normandie, marque un tournant dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Il y a plus de trois ans que le monde est en guerre. Les Etats-Unis longtemps attentistes, ont été entraînés dans le conflit après Pearl Harbor. Ils constitueront désormais ce fameux arsenal des démocraties bien plus que n’aurait osé l’imaginer Franklin D. Roosevelt avant le 7 décembre 1941 -   a date which will live in infamy   selon son discours au Congrès au lendemain de l'attaque nippone.

Avec les Etats-Unis dans la guerre, c’est la première puissance économique mondiale qui s’est mobilisée or en ce 4 juin 1942, les Américains remportent la victoire navale de  Midway  dans le Pacifique. Une victoire remportée alors que les puissances de l’axe n’ont jamais été aussi fortes et sûres d’elles. Jusqu’à ce jour, Allemagne, Italie et Japon ont accumulé victoire sur victoire. Avec Midway, la roue vient de tourner, c’est un coup de semonce, peut-être un coup d’arrêt et pour les alliés un formidable espoir qui vient de naître même si la route du  sang, de la sueur et des larmes  selon les termes de Churchill sera encore bien longue.

Pour la petite histoire, l’archipel corallien de Midway constitué des deux petites îles est situé au beau milieu du Pacifique comme l’indique en anglais son nom :  à mi-chemin  or la victoire de Midway, se situe chronologiquement cette fois, à mi-chemin de la Seconde Guerre mondiale…

Durant l’hiver 41 et le printemps 1942, sur le front de l’Est, l’armée rouge marque des points devant Moscou et en Crimée mais rien n’est acquis. La supériorité de la Wehrmacht reste inébranlable même si elle souffre terriblement de ce froid russe qui fait éclater les réservoirs de ses  Panzer . Alors Staline va prendre l’initiative. En août 1942, il rencontre à Moscou, Winston Churchill et William Averell Harriman, chargé de missions diplomatiques du président Roosevelt. C’est la première fois, qu’à ce niveau de décision, on tente de fixer les axes d’envergure qui marqueront le cours de la guerre. Ce que Joseph Staline demande à ses deux interlocuteurs tient en quelques phrases : l’armée rouge montre des signes d’épuisement car elle supporte à elle seule toute la contre offensive du front de l’Est. Son action est déterminante puisqu’elle monopolise et bloque sur place de nombreuses divisions allemandes. Bientôt, dans deux semaines, ce sera le début de la bataille historique de  Stalingrad  qui marquera en février 43, le premier revers cuisant pour le Reich allemand définitivement stoppé à l’Est mais en attendant et pour permettre aux forces soviétiques de « souffler », il faut que les alliés ouvrent sans tarder un  second front ,  à l’Ouest  cette fois.

Ce second front, c’est une logique pénétration du continent européen par un débarquement sur les côtes de France comme l’a toujours souhaité Winston Churchill.

Sur le plan géopolitique, c'est aussi l'amorce d'un futur partage du monde, entre l'Est et l'Ouest, entre URSS et USA et qui entérine un peu plus le déclin annoncé du continent européen.


19 août 42 : le sacrifice de Dieppe


Parmi les pages les plus noires de la Seconde Guerre mondiale, le Débarquement de Dieppe. Des questions sans réponse autour d'une tragédie "utile" ?

Hasard du calendrier ou non, quelques jours après la rencontre de Moscou,  le 19 août 1942 , sur les plages de Dieppe dont le port a été puissamment fortifié par les Allemands, débarque un commando allié composé de 5000 Canadiens, 2000 Britanniques, des détachements de soldats américains et Français de la zone libre mais un bâtiment allemand faisant route vers Boulogne-sur-mer a repéré le convoi et donné aussitôt l’alerte. 


Ce débarquement va tourner à la tragédie sous le feu nourri des batteries côtières. Les affrontements d’une rare violence dureront moins d’une journée mais feront 1200 tués dont une grande majorité de Canadiens, 1600 blessés et plus de 2000 prisonniers. Quant à la RAF, elle a perdu 107 appareils tandis que l’on déplore une cinquantaine de morts et une centaine de blessés parmi la population civile de Dieppe. Pour sa part, l’armée du Reich compte 350 morts et autant de blessés. Le bilan est très lourd.

Alors, certes l’effet de surprise a été brisé ; les alliés étaient attendus et n’avaient aucune chance de l’emporter mais d’autres questions se posent.  Pourquoi seuls  27 chars sur 50  ont-ils pu débarquer ? Pourquoi certains furent-ils incapables de manœuvrer sur les plages ? Pourquoi les renforts demandés et attendus aux moments les plus critiques de l’opération ne sont-ils jamais parvenus ?

Parmi les victimes, Robert Boulanger dont voici la dernière lettre :



Chers papa et maman
Je continue ma lettre à bord de notre péniche d’assaut, qui nous amènera à notre cible. Nous sommes chanceux, car la mer est très calme, la température ainsi que le temps sont au beau. L’on nous dit que l’engagement avec l’ennemi prendra place vers 5h30…   Robert Boulanger, le Québecquois, venait d’avoir 18 ans lorsqu’il participe à l’Opération Jubilee, du débarquement de Dieppe en août 1942. Une balle le frappe en plein front avant même qu’il n’ait posé le pied à terre. En même temps qu'ils recevront cette lettre posthume, ses parents recevront un télégramme officiel :   Regrettons profondément vous informer soldat Robert Boulanger, matricule  DI 14862, antérieurement porté disparu au combat maintenant officiellement porté tué au cours de l'engagement dix-neuf aout 1942... 

Le raid de Dieppe visait-il à  établir une puissante tête de pont pour ouvrir ce fameux "second front"  à l’ouest demandé par Staline comme l'affirme la presse de la collaboration ? Cela semble peu probable. L’opération dont la méthodologie et la finalité resteront très controversées se solde par un bilan dramatique mais si elle pose une quantité de questions à jamais sans réponse, elle s’avère aussi particulièrement riche en informations de toutes sortes et sans doute était-ce bien là le but majeur de cette mission.

Dans les grands états-majors de guerre, la décision ne serait pas prise de gaieté de cœur mais seule une opération de cette nature, en vraie grandeur, permettrait de tester la capacité de riposte de l’ennemi, la stratégie de son système de défense, ses points faibles, mais aussi la profondeur de l’eau et la nature des courants afin d’adapter au mieux les performances de tous les engins et barges de débarquement.

Après Dieppe, rien ne sera plus laissé au hasard. On étudiera même la consistance précise du sable des plages de Normandie de façon à éviter que la prochaine fois, celle du D-Day, les chars et les jeeps ne s’enlisent plus sur les plages constituant ainsi autant de cibles vulnérables face aux batteries allemandes.

Après Dieppe, les plus hauts responsables alliés, en particulier Winston Churchill, estimeront avoir acquis là une expérience irremplaçable en vue du débarquement de 1944.

A Téhéran, fin 1943, Roosevelt, Staline et Churchill confirment le plan d’un vaste débarquement à l’ouest. Les opérations seront confiées au général Dwight Eisenhower, nommé commandant en chef des forces de libération. Le maréchal Montgomery sera commandant en chef des armées britanniques de libération.

Le Débarquement interviendra le 5, le 6 ou le 7 juin 1944 (selon la météo et les coefficients de marée) sur les plages de Normandie.

Pourquoi la Normandie ?


Pour les stratèges allemands, les Anglo-américains débarqueront dans le  détroit du Pas-de-Calais. De nombreux paramètres techniques et géologiques plaident en ce sens.

Les côtes de Bretagne ou à l’opposé celles de Hollande sont trop éloignées du rayon d’action de l’aviation et notamment des  Spitfire  britanniques. Par ailleurs, les abords de la Bretagne sont dangereux et présentent peu de possibilités de débarquement « à plat ».

La géologie de la Hollande et ses terres facilement inondables se prêteraient mal à une opération navale de grande envergure. L’objectif du débarquement vise aussi à faire route vers Berlin. Là encore, si la Hollande présente quelques atouts de proximité avec l’Allemagne, le Pas-de-Calais constitue globalement encore le meilleur choix.

On pourrait ajouter de nombreuses autres bonnes raisons qui discréditent volontairement la thèse d’un débarquement en Normandie : l’échec du raid de Dieppe anglo-canadien d’août 42 par exemple.

 Enfin, les Allemands vont avoir les yeux rivés sur le Pas-de-Calais parce qu’ils vont être victimes d’une des plus habiles entreprises de désinformation de toute l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ; l’ opération Fortitude  selon laquelle un débarquement à Calais est imminent. A cette occasion, les alliés vont « laisser » quelques vols de la Luftwaffe survoler le Kent. La moisson de photographies sera impressionnante : grand quartier général imaginaire pour le groupe d’armée Patton dont les Allemands redoutent la combativité légendaire, énormes concentrations de chars, d’avions et d’engins de débarquement, autant de leurres construits en contreplaqué, carton-pâte, caoutchouc, etc.

De plus, les Britanniques avaient réussi à capturer l’ensemble des agents allemands opérant en Grande Bretagne et à les « retourner » (les faire travailler pour eux). Devenus agents doubles, ils participeront à leur tour à cette grande supercherie.

Lorsque l’opération Overlord aura commencé, des petites embarcations émettront encore de puissants leurres radar simulant d’imposants bâtiments de guerre pour continuer à faire croire qu’une flotte est en marche dans le détroit du Pas-de-Calais.

L’un des messages personnels de la radio de Londres à destination de la Résistance ;  les sanglots longs des violons de l’automne  avait été correctement interprété par un officier de renseignement allemand de la 15ème Armée mais sans doute crut-on que les alliés voulaient ainsi faire diversion et détourner une nouvelle fois l’attention des allemands de l’imminence d’opérations dans le Pas-de-Calais ?

Enfin d’autres raisons plaideront pour la Normandie : les côtes présentent de nombreuses similitudes avec celles de l’Ouest de l’Angleterre. En attendant le D-Day les soldats pourront donc s’entraîner et l’on pourra également tester la résistance et l’adaptation du matériel dans des conditions proches du réel. C’est aussi là l’un des enseignements tirés du raid de Dieppe.


OVERLORD : une opération parmi des dizaines d'autres


La Seconde Guerre mondiale s’est caractérisée par la place accrue faîte au renseignement mais aussi à la désinformation dans un camp comme dans l’autre. Partout, on cherche à se renseigner ou à renseigner mais aussi et surtout à désinformer selon une échelle qui va du  laisser penser  au  faire croire . Il faut  brouiller les cartes  ou  encore  semer la confusion.

La guerre psychologique confine au grand art et le renseignement vire à l’Intelligence. Au bout du mensonge, il y a la volonté de marquer des points, d’avancer des pions, d’épargner des vies humaines, d’abréger les combats, de raccourcir la durée de la guerre. Parfois, on veut affirmer sa supériorité en masquant ses points faibles. On peut aussi vouloir plus simplement saper le moral de l’ennemi. La désinformation est une arme comme une autre, redoutable, parfois plus meurtrière.

Pour désigner une action, le terme employé est celui d’opération  et le mot est resté dans tous les services de renseignements actuels. De 1939 à 1945, on dénombre un peu plus de 200  Opérations  d’importance majeure.

Tout commence ou presque par l’Opération  Dynamo  en 1940. Dramatique week-end à Zuydcoote qui voit l’évacuation des Anglais de la poche de Dunkerque. Côté allemand, on pense déjà à l’Opération  Attila , d’occupation de la France de Vichy. Avant cela, il y avait eu l’Opération  Fall Weiss  de l’invasion allemande de la Pologne et il y aura plus tard l’Opération  Barbarossa  de l’invasion de l’URSS, cette fois puis l’Opération  Typhoon  qui vise Moscou mais revenons chez les Alliés avec cette Opération  Ambassador  d’un raid britannique sur Guernesey en 1940 ou Opération  Amherst  d’un raid britannique sur les Pays-Bas en 1945.

Pour l’Opération  Caïman  de 1944, le terrain choisi n’a rien d’exotique puisqu’il concerne le centre de la France, où une action de diversion tente de faire croire à un débarquement. Rien d’exotique non plus dans l’Opération  Cobra  de 1944 qui concerne la verte campagne normande. Les Opérations  Nelson  et  Newton  intéressent les SAS en mission en France en 1944. L’Opération  Detroit  visait la Normandie aux toutes premières heures du Débarquement autrement dit de l’Opération  Overlord  (Seigneur suprême). A cette grande opération peuvent s’associer les Opérations  Elmira ,  Chicago ,  Epsom ,  Quicksylver  (Mercure),  Bodyguard  (Garde du Corps),  Neptune , etc…

Parmi les deux cent opérations les plus importantes de la Seconde Guerre mondiale dans les deux camps confondus, on peut encore mentionner les Opérations  Maple ,  Tonga ,  Zitadelle ,  Merkur ,  Himmler ,  Roundup ,  Paperclip ,  Torch  ou  Avalanche …

Sans oublier deux tragédies, l'opération  Jubilee  du Débarquement de Dieppe d'août 42 et l'opération  Tigre  qui vit un exercice de débarquement tourner au drame à Slapton Sands à J-40 faisant près d'un millier de morts.


Les moyens démesurés d’une guerre de l’ère industrielle


Pour la Seconde Guerre mondiale, un effort technologique sans précédent exploitant à des fins militaires tous les progrès de la science, a fait entrer l'humanité dans la guerre dite  industrielle.

Le Débarquement de Normandie est une opération démesurée d'une infinie complexité, de la même façon que la Seconde Guerre mondiale est le conflit le plus sanglant et le plus destructeur de tous les temps. Cette guerre s'avére, en effet, quatre à cinq fois plus meurtrière que celle de 1914-1918. Conflit le plus sanglant de l’histoire du monde et qui a fait autant de victimes civiles que militaires, c'est enfin près de 30 millions de personnes déplacées entre 1939 et 1945.

le plan des techniques : essor de l’aviation et de l’électronique avec le radar, développement du lance-flamme, accroissement de la puissance chimique des explosifs, progrès décisif dans la métallurgie des blindages mais aussi dans la médecine d’urgence, etc. La Seconde Guerre mondiale débute en Pologne avec la cavalerie et s’achève dans le Japon d’Hiroshima et de l’ère nucléaire.

Pour la Normandie, furent imaginés de nouveaux véhicules de débarquement, de nouveaux blindés amphibies et le génie militaire va prendre sur les côtes normandes toute sa signification avec les chars démineurs et autres engins spéciaux poseurs de ponts et constructeurs de routes.

En effet, si la Résistance a eu pour mission de détruire ou saboter toutes les infrastructures de communication en vue de retarder l’avance de l’ennemi vers la Normandie, le génie militaire allié va devoir rendre de toutes urgences toutes ces infrastructures à la circulation dans les délais les plus courts et pour la plus grande armée du monde. Reconstruction des voies ferrées, routes et ponts, rétablissement des télécommunications, approvisionnement en carburant d’une armée essentiellement mécanisée en marche et enfin secours et aide aux populations libérées.

Parmi les engins nouveaux qui firent leur apparition sur les plages du débarquement, le tank Sherman    construit à 150 000 exemplaires était rapide, facile à construire et à entretenir. Ses seuls défauts, un faible blindage et une alimentation essence qui le rendaient assez vulnérable.

Des barges spéciales ont été conçues à la Nouvelle-Orléans pour les côtes normandes et construites par l'industriel Andrew Jackson Higgins pour débarquer les hommes sur les plages dans les meilleures conditions de rapidité et d'efficacité. Le 6 juin, chacun des «Higgins Boats» va s'ouvrir à l'avant pour libérer 36 hommes de troupe en tout juste 19 secondes.

Cherbourg était un objectif prioritaire qui fut repris fin juin. Son port en eau profonde était inutilisable en raison des épaves mais aussi des mines qui l’obstruaient or dès la mi-juillet les navires pouvaient de nouveau y accoster et trois mois plus tard, Cherbourg connaissait un trafic deux fois supérieur à celui de New-York en 1939.

Mieux encore, dès le 12 août, le célèbre PLUTO était opérationnel. Il s’agissait d’un pipe line sous-marin assurant l’approvisionnement en carburant depuis l’île de Wight jusqu’à Cherbourg, PLUTO signifiant  Pipe Line Under The Ocean . Là encore, une grande première technologique.

Cet inventaire du génie militaire de la Seconde Guerre mondiale serait incomplet sans les célèbres  Liberty-ships  qui furent construits aux Etats-Unis en très grande série. Les derniers modèles fabriqués le furent en moins d’une semaine.

Comment enfin ne pas mentionner, la célèbre  Jeep  fabriquée à plus de 650.000 exemplaires entre 1941 et 1945 ?

Prouesse technologique : les ports artificiels Mulberry A et B  (Saint-Laurent sur mer et Arromanches) dont la construction commença en 1943 en Angleterre dans le secret le plus absolu. Plus de 40.000 personnes dont majoritairement des femmes ont travaillé à ce projet qui nécessita plus d’un million de tonnes de béton et d’acier. Le cahier des charges militaire des Mulberry exigeait que chaque port puisse recevoir chaque jour 2500 véhicules et 12000 tonnes de matériel pendant neuf mois, ces chiffes allaient être largement dépassés notamment pour Port-Winston (Arromanches).
Les  Mulberry  se composaient de plusieurs pièces préfabriquées qui allaient être ensuite remorquées à faible allure jusqu’aux côtes françaises entre le 8 et le 18 juin et assemblées les unes aux autres à la manière d’un gigantesque Meccano. Parmi ces pièces dont certaines avaient la taille d'un imposant immeuble :
- les  Phoenix , caissons de béton de 20 mètres de haut, 15 de large et 70 m de long soit 6000 tonnes pour les plus importants. Arrivés sur place, ils se remplissaient d’eau et pouvaient reposer sur le fond.
- les  Bombardons , blocs de béton creux de 65 m de long sur 8 m de hauteur. Attachés entre eux et munis d’ancre, leur fonction était de limiter les effets de la houle.
- les  Goosberries  enfin, généralement des vieux navires marchands ou bâtiments de guerre qui furent coulés afin de servir de brise-lames. A ces dispositifs de ports artificiels, s’ajoutent les  spuds  (quais de débarquement), les  whales  (pontons métalliques) reposant sur les  beetles  (caissons flottants) qui permirent de fabriquer ainsi 16 kilomètres de routes flottantes.

Chronologie du Débarquement


La nature de l'enjeu, les forces considérables en présence et l'importance des moyens mis en œuvre excluaient l'échec, interdisant l'improvisation. La partition du siècle devait être jouée fortissimo, sans la moindre fausse note. Au delà de quelques heures décisives pour notre histoire, de la   sueur, du sang et des larmes   qu'avait prédit Winston Churchill se cachaient des mois de répétition.

 3 juin 20H50  : Premier message de la BBC :  L'heure des combats viendra…  capté par la Résistance. Il annonce le Débarquement et constitue l'ordre de lancement des opérations de sabotages des voies ferrées de l'ouest. En fait, les auditeurs de la Radio de Londres peuvent se douter qu’il se prépare quelque chose d’important car les  messages personnels  se sont multipliés ; près de 200 pour la seule date du 1er juin. Ce même jour, le mauvais temps sévit sur la Manche ; pluie, vent et mer forte, et inquiète le grand Etat-Major du Général Eisenhower.

 4 juin 23H00  : La BBC diffuse des messages complémentaires dont  Les sanglots longs des violons de l'automne...  donnant aux résistants l'ordre de sabotage généralisé des installations ferroviaires non encore détruites et des installations téléphoniques. Désormais, plus aucun train ne doit être en mesure d'acheminer du matériel vers la Normandie. De la même façon, le réseau de télécommunications doit être neutralisé. La première partie du vers de Verlaine annonce l'imminence dans les deux jours des opérations Neptune et Overlord. En Angleterre, acheminement des unités d'assaut vers les zones portuaires, fin de l'embarquement des derniers véhicules. Le 5 juin, en raison des mauvaises conditions météo, le convoi est détourné en pleine mer.  L’Opération Overlord  est provisoirement suspendue.

 5 juin 3H30  : Bien que le mauvais temps persiste, Eisenhower donne le feu vert à son état major :  le jour J est fixé au 6 juin.  En effet, en raison des forces en présence et de la logistique lourde que cela impose, il est impensable de renoncer. De plus, comme la tempête se poursuit, les Allemands vont relâcher leur attention et ne penseront pas qu’un débarquement puisse avoir lieu.

 5 juin 20H00  :  Blessent mon coeur d'une langueur monotone...  La seconde partie de la strophe vient d'être diffusée sur la radio de Londres. Mobilisation générale de tous les réseaux et passage à l'offensive : attaques de dépôts de munitions, de stations de transmission, embuscades sur tout le réseau routier, harcèlement des convois allemands.
Deux heures plus tard, premiers bombardements des batteries côtières, des ponts, et des stations radar du littoral normand par l'U.S. Air Force et la R.A.F.

Sainte Mère Eglise est touchée par plusieurs projectiles, l'un d'entre eux incendie une maison en centre ville. La Normandie est coupée du reste du monde.

 22H55  : Parachutage des équipes d'éclaireurs britanniques dont la mission est le balisage des zones de saut.

 6 juin à partir de 0h00  : 1135 bombardiers britanniques déversent 5800 tonnes de bombes sur une dizaine de positions côtières. 20 minutes plus tard, les six planeurs du major Howard se posent non loin du pont de Bénouville (Pegasus bridge) saisi à 0h25 et à 0h30, premiers parachutistes sur Sainte-Mère-Eglise.  John Steele , soldat de la  82ème Airborne , se retrouve suspendu par son parachute à la flèche de l’église. Blessé par les Allemands, il fait le mort durant deux heures avant d’être fait prisonnier. Revenu plusieurs fois à Sainte-Mère-Eglise après la guerre, il est mort en mai 1969.
 1h10  : Le PC allemand de Saint-Lô apprend les parachutages dans la région de Caen. La  7ème Armée  est mise en alerte. A la même heure, parachutage en Bretagne d’équipes de reconnaissance qui prépareront le travail des commandos de sabotage qui seront largués le lendemain.
 1h30  : La  101ème Division Aéroportée  est larguée à l’est d’Utah Beach. Peu après, parachutage anglais à l’est de l’Orne.

 2h30  : Bombardements sur l’ensemble des côtes. Devant  Omaha Beach , transfert des troupes des navires sur les barges de débarquement. 3h00, tous les navires de guerre sont en position.

 3h50  : A terre, les paras anglais s’emparent de Ranville, premier village libéré. A 4h30, Sainte-Mère Eglise est prise ainsi que les îles Saint-Marcouf.

 5h50  : Les 6.939 navires de l'armada alliée abordent les côtes normandes. Les premières salves de marine explosent sur le littoral. La première vague d'assaut est à six kilomètres des côtes.

 6h00  : 13.400 tonnes de bombes larguées sur les plages. Une demie heure plus tard, premières vagues d’assaut sur  Utah  et  Omaha Beach.

Une page de l'Histoire du monde est en train de se tourner.


Des orphelines sur les routes...


Il était une fois des petites filles toutes vêtues de petites robes à carreaux rouges, blancs et bleus qui vivaient dans un grand château, le Clos Saint-Joseph, pendant la guerre.

Hormis l’absence des parents, rien ne manquait aux petites pensionnaires qui se sentaient protégées et aimées par les « M’an », leurs institutrices :   On était très protégées au Clos et j’ai eu une enfance très heureuse. Je me souviens très bien qu’une fête de Noël, j’avais demandé quelque chose de très spécifique : un berceau avec un baigneur. Et les M’an l’ont fait de leurs mains – elles avaient transformé une boîte à chaussures en berceau, et elles y ont mis un petit bébé, habillé exactement comme je voulais. 

Gaston, le jardinier du Clos entretenait avec soin le grand potager qui fournissait les légumes frais tous les jours.   Le jardinier, c’était un réfugié qui était arrivé au Clos. C’est lui qui a ramassé les pommes pour faire du cidre. Il est parti quand nous sommes parties sous la mine, mais je crois qu’il a été arrêté par les Allemands.

Puis survient le Jour J du débarquement :   Très tôt le matin de nombreuses escadrilles ont survolé Saint-André ; les bombardements ont commencé sans répit. Ca m’a réveillée et je me demandais : Qu’est-ce qui se passe ? C’était monstrueux, infernal – le ciel était couvert d’avions. Mais au moins on pouvait partager la peur avec les autres filles ! 

Bientôt sonne l’heure de l’évacuation, du sauve-qui-peut dans les galeries souterraines d’une mine de fer de Saint-André sur Orne. Pendant ce temps, sous les bombardements, les Allemands investissent le Clos. Rien n’est épargné, le potager, la basse-cour et les clapiers :   Dans le clos presque abandonné, les Allemands volent et mangent nos petits lapins. Je me souviens surtout que les Allemands allaient se servir de tout. Les M’an se sont toujours débrouillées pour qu’on ait à manger. Quand nous étions sous la mine, elles retournaient au Clos, elles risquaient leur vie, pour aller chercher à manger.    


Le 14 juillet, les Allemands exigent que les petites filles du Clos évacuent la mine. Sans destination, elles prennent la route, sous les bombardements. Cadichon, le petit âne du clos emmène les petites filles qui sont trop jeunes pour marcher longtemps à pied. C’est alors la traversée de la forêt de Cinglais où les enfants vont croiser des chars allemands en flammes, des cadavres aussi. Bravement, les petites suivront les autres évacués. Elles ont des drapeaux blancs qu’elles agitent à l’approche des avions.

Elles arriveront à Acqueville, puis Falaise bombardée :   Je pleurais en traversant Falaise, j’y suis née et je disais : - c’est mon pays ! Ce qui faisait plus mal, c’était de voir tous les radiateurs pendre, tous les murs cassés. On voyait toutes les couleurs selon la pièce – c’était du bleu, du rose, du vert, du jaune – on voyait tout ça. Et le cimetière où était ma mère, la pauvre, ça avait été tellement bombardé que ce n’était plus rien. 



Sur les routes de l’exode, les jours se succèdent et le 11 août, quelques jours après leur arrivée à Beaufort-en-vallée, les petites filles du Clos ont le bonheur de voir arriver les chars américains. Ca les console de tout ce qu’elles ont perdu :   Les Américains nous donnaient du chewing-gum. On ne savait pas ce que c’était et on avalait le chewing-gum, on pensait que c’était des bonbons !


Mais le Clos Saint-Joseph, le jardinier Gaston et l’âne Cadichon viennent, pour les petites orphelines de Normandie, d’entrer dans le passé d’une enfance que la guerre a brisé.

Librement inspiré du livre : Le Orphelines de Normandie publié aux Editions Circonflexe avec France Bleu)

Paroles du Jour J


Journal de Dalmain Estes, 25 ans. Il débarque à Omaha Beach  à 7h30 :


 Nous étions la seconde vague de débarquement… J’ai vu les hommes de la première vague tomber sous le feu des mitrailleuses et des fusils. J’ai vu ce qui s’est passé lorsqu’une péniche de débarquement chargée de chars s’est arrêtée à une trop grande distance de la plage, déchargeant ses chars qui ont tous coulé à pic… J’ai vu les hommes sortis des landing crafts, se débattant dans une eau trop profonde, essayant d’atteindre la terre ferme avant de se noyer… 

Lettre de Franz Gockel :



Chers parents, chers frères et sœur,
Mardi, le 6 juin, il y a eu une attaque sans précédent, une attaque inimaginable, du jamais-vu, même sur le front de l’Est… A 1h30, l’alarme s’est déclenchée : nous avons été bombardés par les Américains. A l’aube vers 4 heures, nous avons commencé à deviner la silhouette des premiers gros navires ennemis. A peine les distinguions-nous que des éclairs jaillissaient déjà de leurs canons à une cadence infernale. De leur côté, les bombes larguées par les avions n’arrêtaient pas de siffler. Il n’y eut bientôt plus un mètre carré de sol qui ne soit touché par les bombes ou par les obus. (…) J’étais avec ma mitrailleuse dans mon abri. Et puis la boucherie a commencé. 

Robert, le Québecois qui se disait chanceux, venait tout juste d'avoir dix-huit ans. Il était le plus jeune soldat de son bataillon. Il avait neuf frères et soeurs et son père était cheminot. Franz, l'Allemand de Westphalie, était couvreur et fils de couvreur, issu d'une famille modeste sans histoire. Happé par le Service du Travail Obligatoire à l'âge de 17 ans, il fut mobilisé dans la Werhrmacht quelques mois plus tard. Après avoir fait ses classes en Hollande, il est affecté en France. Dans la nuit du 5 au 6 juin, il est de veille dans son bunker et c'est sa mitrailleuse qui va balayer la plage d'Omaha Beach, la sanglante, lorsqu'une balle américaine lui transperce la main. Cette blessure lui sauvera la vie. La plupart de ses camarades ont été tués le 6 juin ou dans les jours qui suivirent. Plus de 20.000 jeunes soldats allemands reposent au cimetière allemand de La Cambe. Beaucoup n'ont jamais pu être identifiés. Lorsque les beaux jours de l'été reviennent, les plages de Normandie sont prises d'assaut par des gosses qui font des patés de sable que la mer emporte presque aussitôt.








Jean-Pierre Guéno : « On ne triche pas avec des lettres »



Soixante dix ans… Il est temps de sortir de la légende, de ce jour J tel que le raconte  Le jour le plus long , le film de Darryl Zanuck qui fait du débarquement une sorte d’opéra-bouffe. Déjà le travail de Steven Spielberg avec  Il faut sauver le soldat Ryan  et sa série  Band of Brothers  a commencé à rétablir la vérité : le débarquement a été une effroyable boucherie et, surtout, il ne s’est pas limité au Jour J.
Dans les semaines qui ont suivi le 6 juin, la  bataille de Normandie  a fait près de 20 000 morts chez les civils et plus de 150 000 chez les Alliées et les Allemands. Il suffit d’aller dans les cimetières militaires de Normandie pour comprendre.

Mais s’il avait vraiment voulu vraiment être réaliste, Spielberg aurait dû prendre des acteurs âgés d’à peine 20 ans. Voila ce que l’on n’ose jamais dire : les adultes vont faire la guerre à des gosses, à des enfants auxquels dans une entreprise on demanderait à peine de faire des photocopies !

C’est tout l’intérêt de publier des correspondances écrites en pleine action par ceux-là mêmes qui la vivent. A qui écrivent ces soldats ? A leur maman plus qu’à leur petite amie. Ce ne sont pas des hommes, ce sont des gamins. Pour être là, ce jour là beaucoup ont dû prendre la décision de quitter leur famille à l’âge où ils se rasaient à peine. On ne peut pas tricher avec des lettres. Ceux qui racontent, ce ne sont pas les vétérans que les télévisions s’arracheront pour la commémoration. C’est ceux qui avaient 18 ans lorsqu’ils ont mis le pied sur la plage d’Omaha.

Ce décalage m’avait déjà frappé avec  Paroles de poilus . Mais avec  Paroles du Jour J , je me suis senti encore plus d’empathie. Parce qu’il s’agit d’une guerre moderne avec des tanks, des avions. D’une guerre qui, comme celle du Vietnam  ou de Bosnie, prend au piège les civils. Une guerre que nos générations pourraient vivre. Une grande partie du livre est d’ailleurs consacrée à ces civils qui meurent sous les bombes.

 Paroles de poilus  avait réveillé le souvenir de la Grande Guerre. J’espère que   Paroles du jour J  fera définitivement sortir la Libération de l’image d’Epinal.