En Août 1829, Charles X appelle au gouvernement le prince
Jules de Polignac. Ultra parmi les ultras, Polignac est un mystique dévoué
corps et âme à son roi et paralysé dans une vision de la société que déforment
les préjugés les plus redoutables. Il succède à Martignac que Charles X a sans
doute jugé trop libéral. En fait, pour Charles X, c'est une maladresse de plus
et la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Charles X devient plus impopulaire que jamais. Les
caricaturistes du temps s'en donnent à cœur joie, sans retenue aucune et le
montrent le regard hébété, des oreilles d’âne et brisant entre ses dents une
noisette. Charles X devient pour eux le grand casse-noisette du 25
juillet. Inutile de traduire ce qu’est encore de nos jours un casse-noisette...
Le successeur de Louis XVIII a dissous la Chambre jugée trop hostile au pouvoir mais les élections lui retournent une opposition plus ardente encore. Devant cet état de fait, Charles X et Polignac décident le 25 juillet 1830, de régler une fois pour toute la situation par quatre ordonnances dites de Saint-Cloud. La deuxième ordonnance prononce la dissolution de la Chambre avant même que celle-ci ne se soit réunie, la troisième réserve le droit de vote aux seuls riches propriétaires fonciers restreignant ainsi fortement la capacité électorale. La quatrième ordonnance fixe la date de nouvelles élections mais surtout la toute première ordonnance suspend la liberté de la Presse accusée d'être un instrument de désordre et de sédition et contraint celle-ci à l'autorisation préalable. Pour les directeurs de journaux, c’est la ruine et le chômage. De nombreuses publications disparaîtront.
Dans d'autres branches d'activité, les nouveaux exclus du corps électoral, suivant l'exemple de la Presse, licencient tout leur personnel. Ces nouveaux chômeurs constitueront, le moment venu, les émeutiers les plus motivés. N'est-ce pas à cause du gouvernement qu'ils se retrouvent sur le pavé ?
Pour les intellectuels et la haute bourgeoisie, la coupe déborde tandis que les journalistes donnent le signal de la rébellion le 26 juillet 1830. Après concertation, plusieurs journaux paraissent le lendemain, le mardi 27 juillet, malgré l'ordonnance, publiant en bonne place le même manifeste : Le Moniteur a publié enfin ces mémorables ordonnances, qui sont la plus éclatante violation des lois. Le régime légal est donc interrompu : celui de la force est commencé... L'obéissance cesse d'être un devoir... y affirme Adolphe Thiers, alors jeune journaliste. Le reste de l'article est un véritable réquisitoire contre les excès du pouvoir. Evidemment, la réaction ne se fait pas attendre : dès parution, l'imprimerie du National et celle du Temps sont envahies par la police et les presses placées sous saisie lorsqu'elles ne sont pas mises hors d'usage. Des attroupements se forment aux abords des journaux investis par les forces de l'ordre. Bientôt, la garde à cheval éprouve des difficultés à les contenir. L'émeute éclate aux abords du Palais Royal. Il s'agit de disperser les manifestants, sabre au fourreau mais le ton monte. Des coups de feu éclatent, des hommes tombent. La foule s’empare de l'Imprimerie Royale. Des casernes sont incendiées. A quatre heures de l'après midi, l'état de siège est proclamé mais on ne veut rien dramatiser et la troupe regagne ses quartiers. On reste calme, du moins en apparence, à Saint-Cloud où Charles X fait sa partie de bridge habituelle ou plutôt de whist comme on appelle alors ce jeu de cartes.
Tandis que Saint-Cloud s'endort, on abat à Paris d'autres cartes, on prévoit d'autres mises qui feront, le jour venu, échec au roi. Pour la première fois, la haute bourgeoisie de la finance et de l'industrie qui, par les ordonnances de Charles X, se voit éliminée de la vie politique, se joint au peuple de la rue mais l’illusion de cette impossible fraternité sera de courte durée. La République est à portée de main mais une fois chassé Charles X, la bourgeoisie parisienne se contente de changer de roi tandis que la Presse, dont Le National, sous la plume de Thiers, soutenu par le vieux La Fayette, fait campagne pour le duc d'Orléans, chef de la branche cadette des Bourbons, fils de Philippe Egalité et qui deviendra Louis-Philippe 1er.
L'espoir du peuple de proclamer la république est anéanti mais
de son parcours politique avec la bourgeoisie qui l'a trompé à son unique profit,
il en tirera tous les enseignements. Jamais plus, ouvriers et bourgeois ne
parleront le même langage.
Les journées des 27, 28 et 29 juillet 1830 deviendront pour l’Histoire, les Trois Glorieuses.
Les Parisiens ont chassé Charles X qui trouvera refuge en Angleterre puis en Autriche. Piètre résultat des barricades et de tout le sang versé – les chiffres, très incertains, évoquent plusieurs centaines de victimes – , la Révolution va accoucher de la Monarchie de Juillet qui, certes, rétablira le drapeau tricolore...
Maigre consolation que nous rappelle le tableau d’Eugène Delacroix : La liberté guidant le peuple. Place de la Bastille, la Colonne de Juillet commémore ce même événement survenu il y a tout juste 180 ans.
Gérard Conreur pour France Culture, 27 juillet 2010
Charles X - gravure sur bois |
Le successeur de Louis XVIII a dissous la Chambre jugée trop hostile au pouvoir mais les élections lui retournent une opposition plus ardente encore. Devant cet état de fait, Charles X et Polignac décident le 25 juillet 1830, de régler une fois pour toute la situation par quatre ordonnances dites de Saint-Cloud. La deuxième ordonnance prononce la dissolution de la Chambre avant même que celle-ci ne se soit réunie, la troisième réserve le droit de vote aux seuls riches propriétaires fonciers restreignant ainsi fortement la capacité électorale. La quatrième ordonnance fixe la date de nouvelles élections mais surtout la toute première ordonnance suspend la liberté de la Presse accusée d'être un instrument de désordre et de sédition et contraint celle-ci à l'autorisation préalable. Pour les directeurs de journaux, c’est la ruine et le chômage. De nombreuses publications disparaîtront.
Dans d'autres branches d'activité, les nouveaux exclus du corps électoral, suivant l'exemple de la Presse, licencient tout leur personnel. Ces nouveaux chômeurs constitueront, le moment venu, les émeutiers les plus motivés. N'est-ce pas à cause du gouvernement qu'ils se retrouvent sur le pavé ?
Pour les intellectuels et la haute bourgeoisie, la coupe déborde tandis que les journalistes donnent le signal de la rébellion le 26 juillet 1830. Après concertation, plusieurs journaux paraissent le lendemain, le mardi 27 juillet, malgré l'ordonnance, publiant en bonne place le même manifeste : Le Moniteur a publié enfin ces mémorables ordonnances, qui sont la plus éclatante violation des lois. Le régime légal est donc interrompu : celui de la force est commencé... L'obéissance cesse d'être un devoir... y affirme Adolphe Thiers, alors jeune journaliste. Le reste de l'article est un véritable réquisitoire contre les excès du pouvoir. Evidemment, la réaction ne se fait pas attendre : dès parution, l'imprimerie du National et celle du Temps sont envahies par la police et les presses placées sous saisie lorsqu'elles ne sont pas mises hors d'usage. Des attroupements se forment aux abords des journaux investis par les forces de l'ordre. Bientôt, la garde à cheval éprouve des difficultés à les contenir. L'émeute éclate aux abords du Palais Royal. Il s'agit de disperser les manifestants, sabre au fourreau mais le ton monte. Des coups de feu éclatent, des hommes tombent. La foule s’empare de l'Imprimerie Royale. Des casernes sont incendiées. A quatre heures de l'après midi, l'état de siège est proclamé mais on ne veut rien dramatiser et la troupe regagne ses quartiers. On reste calme, du moins en apparence, à Saint-Cloud où Charles X fait sa partie de bridge habituelle ou plutôt de whist comme on appelle alors ce jeu de cartes.
Tandis que Saint-Cloud s'endort, on abat à Paris d'autres cartes, on prévoit d'autres mises qui feront, le jour venu, échec au roi. Pour la première fois, la haute bourgeoisie de la finance et de l'industrie qui, par les ordonnances de Charles X, se voit éliminée de la vie politique, se joint au peuple de la rue mais l’illusion de cette impossible fraternité sera de courte durée. La République est à portée de main mais une fois chassé Charles X, la bourgeoisie parisienne se contente de changer de roi tandis que la Presse, dont Le National, sous la plume de Thiers, soutenu par le vieux La Fayette, fait campagne pour le duc d'Orléans, chef de la branche cadette des Bourbons, fils de Philippe Egalité et qui deviendra Louis-Philippe 1er.
La Liberté guidant le peuple |
Les journées des 27, 28 et 29 juillet 1830 deviendront pour l’Histoire, les Trois Glorieuses.
Les Parisiens ont chassé Charles X qui trouvera refuge en Angleterre puis en Autriche. Piètre résultat des barricades et de tout le sang versé – les chiffres, très incertains, évoquent plusieurs centaines de victimes – , la Révolution va accoucher de la Monarchie de Juillet qui, certes, rétablira le drapeau tricolore...
Maigre consolation que nous rappelle le tableau d’Eugène Delacroix : La liberté guidant le peuple. Place de la Bastille, la Colonne de Juillet commémore ce même événement survenu il y a tout juste 180 ans.
Gérard Conreur pour France Culture, 27 juillet 2010