lundi 31 janvier 2011

Le XIX° siècle de Jules Verne ou l’envol de la modernité

Jules Verne a vécu l’une des époques les plus fécondes de notre temps, entre romantisme et modernité. Une époque marquée par le progrès et bercée par le scientisme. Né sous la Restauration, il a connu deux républiques : celle de 48 et la très longue III° République, et un empire, le Second, celui de Napoléon III. Il a connu aussi la Guerre de 1870, le siège et la Commune de Paris. Mais il a vu aussi et surtout la révolution industrielle modifier la face du monde. Retour sur ce qui a vraiment changé à son époque.

Jules Verne

Jules Verne est né dans un monde où l’on se déplaçait peu et mal, à la rigueur en voiture à cheval, fiacre ou diligence. A cette époque, il fallait une douzaine d’heures pour aller de Paris à Rouen. 12 heures pour faire environ 130 km sur terrain plat sans obstacle majeur. La France était dépourvue de réseau ferré dont on ne voyait pas l’utilité. De plus, certains érudits affirmaient que l’organisme humain ne supporterait pas une vitesse de l’ordre de 50 km/heure. A cette vitesse, les poumons ne pouvant fonctionner normalement, l’asphyxie était inévitable pour les infortunés voyageurs.

Le chemin de fer apparaît sous Louis-Philippe mais prend son essor sous Napoléon III. Aventure extrême dont on imagine mal de nos jours les aspects technologiques, économiques et financiers. 1 800 kilomètres de voies ferrées sont construits en 1847. Il y en aura 18 000 en exploitation, soit dix fois plus en 1870 !


Illustration pour les Aventures du capitaine Hatteras ©Folio
A Nantes, ville natale de l’écrivain, le commerce de l’ébène était florissant. La traite des noirs cesse lorsque Victor Schœlcher, obtient le vote par l’Assemblée nationale du décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises le 27 avril 1848. Jules Verne est alors âgé de 20 ans. Toujours à Nantes comme dans tous les ports, l’époque voit apparaître la roue à aubes dont la vapeur constitue la force motrice puis l’hélice tandis que la coque des navires jusqu'alors en bois devient métallique. Les immenses progrès de l’architecture navale marqueront le Nantais au point qu’il écrira Une ville flottante en 1871 où l’action se passe sur le Great Eastern, un fabuleux géant des mers très en avance sur son temps et qui a réellement existé.


Sarah Bernhardt ©Radio France


Mais Jules Verne a-t-il été visionnaire pour 20 000 lieues sous les mers ? Pas vraiment. En réalité, et sans remonter à Alexandre le Grand et sa cloche sous-marine, l’un des premiers sous-marins (à coque en bois) est l’œuvre de l’américain Fulton dont les essais sont menés en France en 1798 mais l’invention restera sans suite dans notre pays où malgré l’état de guerre avec la Grande Bretagne, on jugera déloyal ce type de marine de guerre invisible pour l’ennemi. Dernier détail, Fulton avait baptisé son navire sous-marin : le Nautilus….

A gauche : La grande Sarah Bernhardt 

Capturer l'image animée et le son de la voix, un rêve qu'évoque Jules Verne dans son roman publié en 1892 mais écrit trois ans plus tôt : Le Château des Carpathes or à cette époque cela fait déjà dix ans que Thomas A. Edison a inventé le phonographe à cylindre. Enfin, l'image animée - la chronophotographie, notamment - est l'objet de nombreux travaux (Muybridge, Marey, Demenÿ, etc.) qui
aboutiront en 1895 au cinématographe.
Lecture





Reste la conquête du ciel. Les vols en ballon libre sont nombreux à l’époque de Jules Verne. Pas étonnant donc qu’il s’en inspire. Ainsi durant le siège de Paris lors de la Guerre de 1870, Léon Gambetta quitte la capitale pour Tours mais le transport en ballon libre est aléatoire et le ballon de Gambetta dérivera à l'opposé, vers la ...Picardie. Alors, le réel progrès ce serait le dirigeable. Le mot aviation  est inventé en 1863 par Gabriel de La Landelle et on retrouve dans ce milieu de farfelus les noms de Nadar et de Ponton d'Amécourt, tous deux amis de Jules Verne. Ponton d’Amécourt imagine que l’aluminium, métal nouveau, léger et révolutionnaire, pourrait entrer dans la fabrication d'un engin volant fonctionnant à la vapeur et capable même de faire du sur place : l’hélicoptère.

L'exposition unverselle de 1900
Mais comme le rail sous Charles X, la conquête de l’air est d’abord une question de mentalité. Des historiens pensent que le succès de la montgolfière et le recours aux ballons libres ont freiné toutes les recherches vers l’aviation proprement dite. Cela dit, lorsque Jules Verne disparaît en 1905, Clément Ader, quinze ans plus tôt, en 1890 nous a fait entrer dans le règne des plus lourds que l’air avec le vol de l’Eole à …20 centimètres d’altitude sur une distance de 50 mètres.

Quatre vingt printemps plus tard, - chiffre fétiche pour Jules Verne - premier vol du Concorde et la même année, en juillet, le rêve de Jules Verne se réalise : des hommes ont marché sur la Lune...

Gérard Conreur pour France Culture, 21 janvier 2011