mercredi 12 mai 2010

12 mai 2010 : le Centre Pompidou-Metz ouvre ses portes




Le cocon d'un alien assoupi Roland Halbe©Centre Pompidou-Metz
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C’est un curieux bâtiment venu d’une autre galaxie qui s’est posé en terre messine. Ses courbes, ses transparences évoquent le cocon d’un alien assoupi. C’est un vaisseau immense de plus de 10 000 mètres carrés que surplombe une flèche acérée : 77 mètres. La couverture de l’édifice ? Une voile de téflon et de fibre de verre. Mais on pourrait dire aussi un voile, si ce mot ne servait à dissimuler, ce qui constitue l’inverse exact de l’art. Ajoutons à cela un savant cannage de poutrelles de bois élancées. L’œuvre - car s’en est une - la première que nous livre ce Centre Pompidou dans sa version mosellane, est signée Jean de Gastignes et Shigeru Ban. Talentueux tandem franco-nippon sur une table à dessin partagée.

Décidément les Centres Pompidou, père et fils, n’en finiront jamais de nous surprendre. Dans les années soixante-dix, le premier suscita une véritable indignation chez les uns, y compris chez les jeunes, tandis que d’autres, amusés ou ébahis, n’en pensaient rien de précis. A titre préventif, ne faut-il pas se souvenir de ce que Maupassant pensait d’une tour parisienne ridiculement vertigineuse dont il espérait ardemment la démolition dès la fermeture de l’Exposition universelle de 1889 ? Il ne fait aucun doute que l’on trouvera tous les défauts de la terre à l’architecture du Centre Pompidou-Metz. D’ailleurs, alors même que rien n'est ouvert, que les préparatifs sont en voie d'achèvement, c'est déjà le cas et des mots durs fusent comme des pétards de kermesse. Beaucoup de bruit pour rien.


Pour le reste, la vocation du Centre Pompidou-Metz est un peu celle d’un point relai comme il en existe dans le commerce en ligne. A ceci près que la marchandise livrée chez le consommateur, c’est cet art qui valait jadis le déplacement. Aujourd’hui, on ne se déplace que si on le veut bien. On ne monte plus à la capitale que pour le Salon de l’Agriculture alors même que ce ne sont ni les porcs, ni les poules qui manquent dans nos sous-préfectures. C’est l’art qui voyage et se pose en des lieux parfois improbables. Souvenons-nous du Palazzo Grassi cher à François Pinault dont les œuvres migrèrent vers le Nord pour s’afficher effrontément au Tri Postal de Lille en 2007-2008. On parle encore dans la capitale des Flandres de ces éléments de la Pinault Foundation qui furent bienvenue chez les Ch’tis. Autre exemple, plus ancien, avec le musée Guggenheim de New York qui sut également exporter une partie de ses œuvres à Bilbao.

« Point relai » donc et sans arrière pensée. Le Centre Pompidou-Metz, ce n’est pas une succursale, ni une modeste officine de province, ce n’est pas un musée non plus – au sens classique du terme - car il ne possède pas de fonds propres mais se renouvellera en permanence avec des collections venues de la maison-mère.


La démarche de Beaubourg à Metz sera identique avec le Louvre-Lens qui devrait voir le jour en 2012. A croire qu’en France les anciens bassins miniers, ceux de la sidérurgie ou encore de l’industrie  constituent autant de territoires à reconquérir. Il ne s’agît pas de gommer la mémoire ouvrière car nous sommes, au contraire, dans un prolongement de vie, dans une forme de renaissance. Le Louvre-Lens sera édifié sur le carreau d’une fosse – la fosse 9 des Mines de Lens ouverte en 1886. La Première Guerre mondiale n’en laissera que des ruines et dix ans seront nécessaires pour tout reconstruire y compris les modestes corons ouvriers, estaminets, petits commerces, écoles et églises anéantis par l’occupant. La mine et ses gueules noires participeront grandement à l’effort de reconstruction du pays après une autre guerre, celle de 1939-1945, cette fois. Enfin dans les années soixante, la Fosse 9 tombe en friche, les installations à l’exemple du fameux chevalet sont détruites et seuls quelques bâtiments seront préservés. L’heure est à la reconversion et les espaces, naturellement, se mettent au …vert tapissant une terre d’histoire.



De même qu’à Metz, que faire de ces vastes étendues que l’ère industrielle a délaissées sinon un lieu de plénitude où le regard s’attarde sur ce qu’il existe de plus indispensablement inutile : l’art ?  Jean-Jacques Aillagon qui a dirigé Beaubourg affiche un déterminisme résolu et nettement précurseur car nous sommes à la fin des années 90 : sortir les joyaux de leurs écrins, développer une politique artistique hors les murs « extra muros » au sens parisien, jacobin du terme, vers nos régions au nom de l’égalité culturelle. A cela s’ajoute enfin une gestion pragmatique des œuvres. Les stocks enflent à l’excès, les sous-sols et réserves frisent la saturation, la place vient à manquer. Que faire ?



De la place, ni Beaubourg à Metz, ni le Louvre à Lens n’en manqueront. 700 œuvres ont d’ores et déjà pris la direction Metz. Metz, un élément clef dans ce que Frédéric Mitterrand appelle « la culture pour chacun » et sans doute de l’art pour tous. Le Centre Pompidou-Metz sera inauguré le 12 mai par le président de la République, plusieurs journées portes ouvertes, du 12 au 16 mai, permettront aux visiteurs de découvrir le Centre mais aussi l’exposition inaugurale intitulée : Chefs-d’œuvre ?

Gérard Conreur pour France Culture, 12 mai 2010