jeudi 16 décembre 2010

On a retrouvé la tête d'Henri IV

Comme un clin d’œil du destin, l’année même de la célébration du 400ème anniversaire de la mort d’Henri IV, on vient de retrouver la tête du roi et l’authentification semble ne faire aucun doute. La fin d’une énigme dont l'origine nous reporte aux soubresauts de la Révolution française

1793, la Terreur à l’ordre du jour. L’une des années sombres de la Révolution. Le procès du roi a débuté le 10 décembre 1792, il sera exécuté le 21 janvier 1793. Marie-Antoinette sera guillotinée le 16 octobre de la même année. Entre ces deux dates, la nécropole des rois de France à Saint-Denis va être profanée à deux reprises, en août et en octobre 1793 (mais aussi dans une moindre mesure en janvier 1794). Les tombeaux des rois sont violés, pillés, les dépouilles jetées à la fosse commune.
C’est le cas, le 12 octobre pour la sépulture d’Henri IV. Le corps du roi est si bien conservé qu’il sera exposé debout à la vue du public qui pendant plusieurs jours s’en donnera à cœur joie. On lui serre la main, on lui casse un bras, une jambe, on lui arrache ses moustaches et lorsque l’attraction se termine, son corps est jeté à la fosse commune.

Lors de la Restauration, Louis XVIII va ordonner la fouille des fosses communes afin que les dépouilles royales puissent être replacées dans la basilique Saint-Denis. On va retrouver trois corps « décapités » post mortem dont ceux d’Henri IV et de son fils Louis XIII. La tête du vert galant non retrouvée aurait été vendue par un fossoyeur dès 1793…

Attention ci-dessous un regard de quelques secondes sur quatre siècles d'éternité. Une exclusivité Paris Match. 



Elle fait sa réapparition après la Première Guerre mondiale, en 1919, dans une vente aux enchères puis passe de main en main, d’un brocanteur normand à un photographe parisien. En fait, rien ne permet d’authentifier cette tête momifiée qui va disparaître à nouveau durant plusieurs dizaines d'années. Proposée au Louvre en 1947, le musée parisien refusera de l’acquérir pour le même motif. Enfin, tout récemment, suite à l'enquête d'un journaliste passionné d'histoire, un retraité de 84 ans va reconnaître qu’il possède chez lui la tête d’Henri IV.

Une publication du British Medical Journal a officialisé l’authentification scientifique après plusieurs mois de travaux de la découverte. La tête a été remise au prince Louis de Bourbon qui devrait la céder au président de la République en lui demandant son retour à Saint-Denis où Henri IV avait été inhumé le 1er juillet 1610.

Lire aussi : Saint-Denis, nécropole des rois de France

Gérard Conreur pour France Culture, 16 décembre 2010

lundi 13 décembre 2010

Saint-Denis, nécropole des rois de France


Carte de Cassini, détails sur Saint-Denis. 
Saint-Denis est le premier évêque de Paris. Persécuté par les Romains, il est finalement décapité. Il aurait alors, dit-on, ramasser sa tête et parcouru plusieurs kilomètres avant de s’effondrer. A l’endroit où il tomba fut édifiée la basilique-cathédrale qui porte son nom. Elle devait accueillir tous les fidèles en pèlerinage à la suite de ce miracle. La basilique est aussi la nécropole des rois de France, un endroit passionnant que les soubresauts de l’Histoire ont parfois malmené. Retour sur des siècles d’histoire.



On ne sait pas grand-chose de Saint-Denis mais selon l’hypothèse la plus crédible, il aurait été envoyé en France au IIIème siècle pour évangéliser le pays. Devant le nombre de conversions obtenus, les prêtres d’autres religions s’en seraient inquiétés auprès de Rome qui aurait envoyé des troupes à Paris. Denis,  ses deux compagnons et plusieurs chrétiens seront alors arrêtés mais malgré la torture, devant leur refus de se soumettre à l’autorité romaine, ils seront chassés de la cité et conduits en direction de la butte Montmartre, bien loin hors de la ville, où ils seront exécutés face au temple de Mercure situé à son sommet. Mais les légionnaires n’auraient pas attendu d’atteindre Montmartre dont la pente est rude pour décapiter les prisonniers. A hauteur de notre actuel 18ème arrondissement, ils sortent leurs glaives. C’est là où Denis aurait ramassé sa tête et guidé par un ange, aurait poursuivi sa route durant six kilomètres avant de s’effondrer là où on construira plus tard une basilique.

Louis XVI et Marie Antoinette à Saint-Denis ©Radio France
Le site religieux de Saint-Denis est très ancien. On y aurait trouvé un cimetière gallo-romain datant du Bas-Empire romain et donc à l’époque où aurait vécu l’évêque de Saint-Denis dont la mort est mentionnée autour de 250, époque de christianisation de la Gaule. Après la construction d’une église par Sainte-Geneviève, sur les lieux où reposerait Saint-Denis, l’église va être agrandie et devenir sous Dagobert 1er et par le fait de sa propre inhumation une nécropole royale tant la ferveur envers le premier évêque et martyr de Lutèce était grande. De siècle en siècle, l’église, l’abbatiale, l’abbaye la basilique puis la cathédrale (depuis 1966) va connaître des transformations et des fortunes diverses. Elle est véritablement un endroit privilégié où s’écrit l’histoire de France y compris durant les jours les plus sombres de la Révolution française.

Ainsi en est-il de la profanation des tombeaux des rois de France, de leurs destructions même, non seulement à Saint-Denis, mais aussi dans toute l’étendue de la république. La profanation présente un aspect prétendument scientifique : on veut observer l’état de conservation des corps. On affiche aussi une volonté patriotique de récupérer dans les tombeaux ce qui peut l'être au nom de la république : le plomb de certains cercueils pour en faire des balles mais plus sûrement bien sûr les objets de grande valeur. Enfin, c’est le grand exutoire pour les uns, le grand défoulement, la grande attraction pour les autres. Ainsi le corps d’Henri IV est si bien conservé qu’il sera exposé debout dans la rue à vue de tous les passants qui, au passage, lui briseront une jambe et un bras et lui arracheront même ses moustaches dans la bonne humeur et pour se faire des blagues… La dépouille du vert galant sera jetée ensuite à la fosse commune avec tous les autres souverains. Lorsque Louis XVIII fera procéder à des fouilles dans cette fosse commune en 1817, plusieurs cadavres royaux apparaitront avoir été « décapités » en 1793. Ainsi Louis XIII, dit le Juste mais aussi, son père, ce bon roi Henri IV dont la tête non retrouvée dans la fosse commune ne fut pas perdue pour tout le monde : achetée auprès d’un fossoyeur durant les profanations de 1793 puis cédée un siècle plus tard à un artiste peintre parisien puis à un photographe breton avant d’être proposée au Musée du Louvre en 1947 qui refusa de l’acquérir. Depuis elle a, à nouveau, disparu...

Et puis, coup de théâtre ces jours-ci : On a retrouvé la tête d’Henri IV !!!

Evidemment la basilique aussi a souffert dans ses pierres, ses vitraux, ses ornements religieux , de la période révolutionnaire et a subi des dommages irréparables à l’exemple de gisants datant parfois du Moyen âge sérieusement endommagés. Durant le XIXème des restaurations mal conduites et la foudre en 1837 vont menacer la basilique. En 1846, Eugène Viollet-le-Duc reprend complètement en main l’édifice, gomme des restaurations inappropriées et sauve la basilique. Il va en particulier faire procéder au démontage de la tour Nord dont la flèche avait été incendiée par la foudre. Mal reconstruite la tour risquait de s’effondrer.


Aspects anciens de Saint-Denis ©DR

Aujourd’hui, la basilique cathédrale de Saint-Denis reste l’un des monuments parmi les plus attachants de l’Ile de France et mérite bien que l’on s’y arrête.


Gérard Conreur pour France Culture, 13 décembre 2010