Le musée
national de la Marine présente du 9 février au 23 octobre
2011 une grande exposition consacrée au paquebot France.
Lancé le 11 mai 1960,
il fut l’un de ces derniers géants des mers prestigieux assurant la traversée
Le Havre-New York en 5 à 6 jours. Sur le transatlantique, excellence à la
française, fines bulles de champagne et mets raffinés. Bienvenue à bord du
France.
Les
croisières sont à nouveau à la mode très curieusement depuis le succès mondial
du film Titanic dont on prévoit une nouvelle sortie en 3d cette fois en avril
2012 à l’occasion du 100ème anniversaire de sa mise en service le 10 avril 1912 et
de son naufrage 5 jours plus tard. Or ni le Titanic, ni le France ne furent
destinés à l’origine aux croisières. Il
s’agissait de paquebots transatlantiques, des liners, possédant cette
architecture très profilée qui leur permettait d’affronter des conditions de
mer particulières dans l’Atlantique Nord.
La Grande
Bretagne et la France ont occupé une place de choix dans la traversée
transatlantique, de la fin du 19ème siècle à nos jours, avec la
Cunard ou la White Star Line qui fusionnèrent par la suite, côté anglais, et la
Compagnie générale transatlantique, surnommée la French Line en France. Outre
le Titanic, on peut évoquer les Mauretania, Lusitania, Olympic, Queen Mary ou
le Queen Elizabeth. En France, l’Ile de France, le Normandie et bien sûr le
France.
Le France –
ou plutôt France comme on devrait le nommer - reste aux yeux de nos concitoyens
un paquebot de rêve devenu une véritable légende, mieux une de ces histoires
d’amour mais qui finit mal en général comme le chantaient les Rita Mitsouko. Il
faut reconnaître, objectivement aujourd’hui, que cette histoire du France
n’avait pas commencé sous les meilleurs auspices.
Après la
fin de la Seconde Guerre mondiale, la question de construire des grands
paquebots se pose en termes économiques face au développement sans précédent du
transport aérien. Même si les vols sont longs et coûteux entre Paris et New
York, même si le confort est encore limité et les escales inévitables, on voyage
en Constellation depuis 1946 à 520 km/h de vitesse de croisière et on évoque dès
1952 ce nouvel avion que prépare la firme Boeing : le 707 qui doublera
pratiquement cette vitesse de croisière. Alors, que penser de ces cinq à six jours
de navigation qu’il faut à un paquebot pour traverser l’Atlantique ?
Si le coup
de cœur de remplacer le Normandie a été pris dès 1952, il va falloir quatre ans
pour arrêter la décision officielle de lancer la construction du France :
1956. Quatre ans de débats, de tractations, de rebondissements, de controverses.
Faut-il construire deux navires classiques ou un seul plus gros et plus
rapide ? Ces quatre années à jamais
perdues auront une résonance particulière le jour où le France, jugé trop
coûteux, bouclera prématurément son dernier voyage.
Tandis que
l’avion se démocratise de plus en plus, il faut très vite trouver une clientèle
complémentaire plus orientée vers les croisières. Croisières aux Canaries, au
Brésil, aux Antilles, en Méditerranée… A thème pour l’exposition de Montréal en
1967, sur les pas de Napoléon 1er en 1969, autour du monde sur le
thème du tour du monde en 80 jours de Jules Verne. Enfin, courant 1974, une
deuxième croisière autour du monde au cours de laquelle on apprendra la
terrible nouvelle du prochain arrêt du paquebot.
Il faut se faire une raison : le France est devenu un gouffre financier. Le paquebot n’est plus rentable. Sur l’Atlantique Nord, l’avion a définitivement gagné la partie avec le Boeing 747, ce gros porteur capable d’emporter entre 350 et plus de 500 passagers. Circonstances aggravantes, le premier choc pétrolier de 1973 avec ce quadruplement du prix du baril ou encore cette faiblesse chronique de la devise américaine. Pour VGE et son premier ministre, Jacques Chirac, qui voient les difficultés économiques et le chômage augmenter, comment pourrait-il être question de demander à la collectivité nationale un effort supplémentaire pour sauver le France ? Alors, la Transatlantique ne va pas avoir d’autre choix que de désarmer et mettre en vente le paquebot.
L’image du
France amarré au quai de l’oubli est restée dans les mémoires de ceux qui avec
passion auront tenté l’impossible pour le sauver. Un saoudien s’en porte
acquéreur qui le revendra à un armateur norvégien. Le France deviendra alors le
Norway en 1979. Le paquebot, rentabilité oblige, sera transformé pour
accueillir bien plus de passagers et son équipage sera réduit au strict
nécessaire mais les chantiers navals du Havre ne remporteront pas le marché
pour la transformation de l’ex-France. Le 18 août 1979, une foule émue observe
le départ du Norway. Aux trois coups de sirène traditionnels du paquebot, les
remorqueurs ne répondront pas. Chacun a la gorge serrée.
Paquebot
France, l’exposition. Musée national de la Marine, 17, Place du Trocadéro, du 9
février au 23
octobre 2001. Nocturnes tous les vendredis. Le site est ici.
Gérard Conreur pour France Culture, 15 février 2011