mercredi 15 septembre 2010

Patrimoine : Quand femmes et hommes construisent l'Histoire

Thème choisi cette année pour la 27ème édition des Journées européennes du patrimoine : Quand femmes et hommes construisent l’histoire. Un double parcours : autour du personnage lui-même et en cheminant sur ses pas, les lieux marqués par son souvenir, sa vie ou son œuvre. 

Quelques exemples de fiches pratiques à retrouver sur le site officiel sous la rubrique : 1 lieu / 1 jour / 1 nom. Le principe : chaque jour, une femme ou un homme célèbre qui a marqué notre patrimoine et pour chaque figure, une sélection de lieux qui lui sont associés et que vous pouvez découvrir l’espace d’une journée ou d’un week-end. Exemple pour Paris et l’Ile de France : Marie Antoinette avec le Château de Versailles, la Conciergerie, Gustave Eiffel avec la Tour Eiffel ou le baron Haussmann avec une vaste promenade-découverte, Place de l’Etoile, Avenue de l’Opéra, boulevard Saint-Germain, etc. 

Paris n’est pas la France, comme on le dit fort justement dans nos régions alors quittons la capitale. A une heure de TGV se trouve la maison natale Général de Gaulle à Lille. Toujours dans le Nord-Pas de Calais, voir le musée Henri Matisse au Cateau-Cambrésis et à Bohain-en-Vermandois, entre Cambrai et Saint-Quentin, la maison familiale, une graineterie : Aux graines d’élite où le peintre passa son enfance. D’autres exemples de fiches pratiques des Journées du patrimoine allant de François 1er pour la région Centre avec Blois ou le Clos Lucé à André Malraux et son musée au Havre. Des lieux enfin ou plutôt de véritables monuments de mémoire, si évidents, si incontournables qu’on les oublie parfois : le Panthéon, les Invalides et combien d’autres encore à Paris mais aussi partout en France et dans les départements d’outre-mer. Il n’y a vraiment que l’embarras du choix. Il suffit pour cela d’ouvrir un livre d’Histoire. Du Domaine de  la Pagerie en Martinique pour Joséphine de Beauharnais au Domaine de Ferney, en région Rhône-Alpes pour François Marie Arouet dit Voltaire...

Autre dimension de ces journées du patrimoine, numérique cette fois. Ce n’est pas l’odeur des vieilles demeures, la patine des meubles anciens, la brillance des lustres ou le paisible ordonnancement des jardins à la française, l’accès se fait chez vous depuis un simple clavier d’ordinateur. Pour ces journées du patrimoine, les internautes peuvent découvrir l’aménagement et les ameublements de la reine Marie-Antoinette par la visite virtuelle du Petit Trianon en 3D. Un projet mené sous l’autorité du Château de Versailles. D’autres réalisations numériques attrayantes sont proposées sur le site des Journées européennes du Patrimoine. D’un simple clic, partez à la découverte de vos ancêtres et plongez-vous dans le moteur de recherche « généalogie », riche de 6 millions de fiches accessibles à tous. Enfin, volez en relief au cœur de Notre-Dame de Paris dont la bande annonce figure également sur le site des Journées du patrimoine. Le film a été tourné en 3D depuis un dirigeable télécommandé équipé de deux caméras haute définition et sera projeté à l’auditorium de la Cité de l’architecture et du patrimoine, Palais de Chaillot, samedi et dimanche, toutes les 30 minutes, de 12h à 18h.

Le patrimoine à l’ère du numérique, à découvrir ici.

Lire aussi : 27ème édition des Journées européennes du patrimoine 


Gérard Conreur pour France Culture, 15 septembre 2010

mardi 14 septembre 2010

Patrimoine : Reconstruire les Tuileries ou Saint-Cloud ?

Retour en France pour un dernier exemple, celui du Château de Saint-Cloud dont on prétend encore fréquemment qu’il fut détruit lors des incendies de la Commune. En fait, c’est un obus tiré depuis le Mont Valérien lors de la guerre franco-prussienne qui aurait mis le feu aux appartements de Napoléon III. Les Prussiens sur place auraient laissé le feu se propager et pourraient même l’avoir activé. Une source ancienne affirme que des traces de pétrole ont été décelées. 

Devenu aujourd’hui, Domaine national de Saint-Cloud, on se souvient essentiellement du château de Monsieur, Duc d’Anjou, frère du roi Louis XIV qui en fait l’acquisition en 1658. Dès lors, le château de Saint-Cloud va s’inscrire dans notre histoire au fil des siècles. Offert en 1784 par Louis XVI à Marie-Antoinette, le château sera le théâtre du Coup d’Etat du 18 brumaire qui vit le Directoire remplacé par le Consulat en 1799. C’est à Saint-Cloud enfin que Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. Après le désastre de Sedan et tandis que Paris est assiégé, le château de Saint-Cloud est occupé par les Prussiens qui y établissent leur quartier-général jusqu’à cet incendie du 13 octobre 1870. Comme pour les Tuileries, l’essentiel restait debout et divers projets vont être envisagés pour la sauvegarde des ruines de Saint-Cloud mais aucun n’aboutira. Vingt ans après le désastre, le couperet de la IIIème République tombe en 1891, pour des raisons de sécurité, la destruction totale est décidée. On gomme ainsi plusieurs siècles d’histoire.

Cathédrale du Christ-Sauveur, Moscou ©Wikipédia
Cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou

Il existe un mouvement plus ou moins récent visant à la reconstruction de monuments historiques et ce phénomène ne concerne pas que notre pays, bien sûr, même si l’action de la France fut souvent exemplaire. Nous avons vu le cas de l’Allemagne avec la Frauenkirche de Dresde. On songe aussi à la possible reconstruction du Berliner Stadtschloss, le Château de Berlin, résidence des Hohenzollern, qui endommagé durant la Seconde Guerre mondiale fut dynamité par les communistes dans les années 50 pour faire place à un Palais de République, aussi ravissant qu’une barre HLM des années 60 et à son tour démoli pour des questions de désamiantage. Depuis la chute du communisme, les reconstructions se succèdent à l’est. L’une des plus spectaculaires concerne la cathédrale du Christ Saint Sauveur de Moscou que Staline avait fait raser en 1931. Il n’en restait rien. Une souscription auprès des Moscovites permit la pose de la première pierre en janvier 1995. La nouvelle cathédrale construite à l’identique fut consacrée en août 2000.

D’autres reconstructions se sont imposées immédiatement : le parlement de Bretagne à Rennes dévasté par les flammes en 1994, la Fenice de Venise également ravagée par le feu en 1996 ou plus symboliquement le vieux pont de Mostar en Bosnie détruit depuis les positions croates en 1993 et reconstruit à l’identique sous l’égide de l’Unesco. Que dire enfin de tous ces monuments victimes de tremblements de terre ou d’inondations catastrophiques comme celles de Florence en 1966 ?

Le Palais des Tuileries après et avant l'incendie de 1871 ©Wikipédia
Le Palais des Tuileries après et avant l'incendie de 1871

Pour autant faut-il tout reconstruire ? Ne risque-t-on pas de pasticher notre passé, ou, pourquoi pas, de trahir notre histoire ? Dans un exemple extrême encore, imaginons un instant un projet de réédifier la Bastille ? Si la reconstruction des Tuileries avait pu être menée dans les années qui suivirent le sinistre alors que les façades et le gros œuvre étaient encore en place, la question ne se serait pas posée. C’était une évidence. Même remarque pour le château de Saint-Cloud. Mais de ces deux monuments majeurs dans notre histoire, il ne subsiste que les fondations. Autrement dit, rien qui n’accroche notre mémoire. Tout devrait donc être rebâti à neuf. Quel serait alors le regard que nous pourrions porter sur des Tuileries ou un château de Saint-Cloud surgit des limbes ?
Il est vrai que le Louvre, sans les Tuileries, offre la vision de deux bras tendus vers le vide, que le parc de Saint-Cloud est un écrin de verdure dans lequel il manque le joyau principal. Les Tuileries reconstruites pourraient devenir une extension du Louvre où la place vient à manquer. Les travaux d’une durée de quatre ans après obtention du permis de construire seraient financés par souscription et appel au mécénat sans qu’il en coûte un sou au contribuable. Même chose pour le Château de Saint-Cloud qui pourrait abriter un musée vivant des métiers d’art à la française et dont la reconstruction serait autofinancée par les visiteurs comme c’est le cas aujourd’hui pour d’autres chantiers de reconstruction.
La reconstruction a ses partisans mais aussi ses détracteurs. Le domaine est plus sensible qu’on ne l’imagine et ne se limite pas à des questions d’urbanisme ou de perspectives, à des sommes investies ici au lieu de l’être là, à ces milliers d’heures de travail confiées aux artisans d’art, compagnons tailleurs de pierre, charpentiers ou maitres ferronniers. Parfois en évoquant la reconstruction de la demeure des rois, on effleure (de lys) le délit de lèse-République…

Retour : 27ème édition des Journées européennes du patrimoine

Gérard Conreur pour France Culture, 14 septembre 2010

Patrimoine : 27ème édition des Journées européennes du patrimoine

Evénement désormais classique de la rentrée, les Journées européennes du patrimoine auront lieu les 18 et 19 septembre. L’année dernière, plus de 12 millions de visites ont souligné le vif engouement des Français pour leur patrimoine. Un patrimoine au sens très large du terme : architecture historique, religieuse mais aussi témoins de notre histoire au quotidien, de notre activité industrielle, militaire, agricole, parcs et jardins, mobiliers... Bref, tout ce qui fait notre identité culturelle. 

Les Journées européennes du patrimoine, c’est peut être aussi l’occasion en se penchant sur notre passé d’imaginer d’autres actions visant, non à le faire renaître mais à lui rendre parfois sa place dans notre histoire. Il existe ainsi des ruines qui, par la passion des hommes, peuvent progressivement se relever. Certains projets de reconstruction paraissent utopiques mais d’autres reposent sur de solides bases. Ainsi la plupart des visiteurs de l’actuel Hôtel de ville de Paris imaginent-ils encore l’état de ruine dans lequel se trouvait l’édifice après les événements tragiques de la Commune de Paris ? Si le Louvre fut sauvé de l’incendie in extremis, il n’en fut pas de même du palais des Tuileries qui brûla durant trois jours.

Malgré tout, à l’inverse de l’Hôtel de ville bien plus endommagé, les façades et le gros œuvre des Tuileries demeuraient en place. Seuls la toiture, les planchers et l’aménagement intérieur avaient brûlé et une reconstruction restait tout à fait possible. Les photographies de l’époque nous dévoilent d’ailleurs un immense bâtiment presque intact. Malgré les requêtes, nombreuses pétitions, commissions parlementaires, les noms du baron Haussmann et de Viollet-le-Duc, tous les deux très impliqués pour le sauvetage du palais, les ruines furent définitivement rasées en 1883 alors que rien ne le justifiait. Aujourd’hui, des voix s’élèvent à nouveau et il existe un Comité national pour la reconstruction des Tuileries. 


Frauenkirche de Dresde ©Wikipedia
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe est en ruines. A la suite des bombardements, des chefs d’œuvre architecturaux ont subi de tels dommages que tout espoir de les sauver semble perdu. Ainsi en est-il de la Frauenkirche de Dresde, probablement l’une des plus belles églises luthériennes d’Allemagne. Edifiée au début du XVIIIème siècle, elle fut totalement anéantie non par les bombardements alliés intensifs qui détruisirent Dresde mais par la chaleur des incendies. Puis c’est le partage de l’Allemagne, Dresde est située en RDA et durant quarante cinq ans, les herbes folles prennent possession d’un terrain vague un peu surélevé constitué de gravats et de pierrailles. C’est après la réunification de 1990 que des initiatives encore bien modestes voient le jour notamment lors du 45ème anniversaire de la destruction de Dresde. Quelques passionnés vont parvenir à fédérer un élan national qui, bientôt, dépassera les frontières. Vingt pays s’impliqueront dans le projet. Entre le déblayage des gravats, la pose de la première pierre en mai 1994 et l’achèvement de la reconstruction, plus de dix ans se sont écoulés au chevet d’un chantier d’une invraisemblable complexité mais le défi a bel et bien été relevé.


Le centre historique de Varsovie est un autre exemple de reconstruction à couper le souffle. La ville a été délibérément détruite en août 1944 en représailles contre la résistance polonaise. Après l’échec d’une insurrection qui dura 63 jours, les nazis ont incendié la capitale polonaise, maison par maison, rue après rue avant de faire sauter les édifices historiques. Les ruines de Varsovie devaient servir d’exemple à l’Europe occupée. Varsovie comptait 1,3 million d’habitants à la veille de la Seconde Guerre mondiale. 800 000 personnes y ont trouvé la mort entre 1939 et 1945. La ville a été détruite à 85%. Certains quartiers, en particulier la vieille ville et le ghetto, au nord de l’agglomération, ont été complètement rasés. Seuls quelques pans de façade restés debout permettaient de situer le tracé des anciennes rues disparues sous les décombres des immeubles effondrés. Dès la fin de la guerre, des varsoviens reviennent dans la capitale dévastée et malgré des difficultés innombrables à vivre dans les décombres d’une cité où plus rien ne fonctionne, éclairage, eau, électricité, ils vont jouer un rôle déterminant dans la patiente reconstruction de leur ville. La vieille ville de Varsovie est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1980. Tout n’est pas encore terminé mais les Polonais n’ont pas, non plus, l’intention d’en rester là.

A lire aussi : Reconstruireles Tuileries ou Saint-Cloud ?



Gérard Conreur pour France Culture, 14 septembre 2010