jeudi 17 janvier 2013

Une vie sur Europe ?



Y-a-t-il une autre vie que la nôtre dans l’univers ? Pour le terrien moyen, cela ne fait aucun doute et le sujet le passionne. Films de science-fiction sont à l’affiche du monde entier, dans toutes les langues et il en va de même dans toutes les bonnes librairies de notre planète où les ouvrages d’anticipation se vendent comme des petits aliens.


Depuis l’aventure assez récente de la recherche spatiale, nous nous sommes rapprochés du sujet, si l’on peut dire, en regardant de plus en plus loin, ce qui n’est pas un paradoxe. Nous avons même photographié notre univers de l’intérieur. Nous sommes là, tous, souriants sur la photo (ci-dessous) de Planck, lancé par Ariane 5 il y a quelques mois et après cette première photo de l’univers, on va lui demander d’en refaire une deuxième pour être sûr au cas où la première serait floue. Une photo de notre univers, rien que ça… Parmi les blasés, certains diront que notre univers n’est qu’un univers parmi des milliers, des millions d’autres univers comme autant de gouttes d’eau dans l’océan cosmique.


le ciel complet vu par Planck ©hfi-planck
le ciel complet vu par Planck ©hfi-planck

Lorsqu’il y a quelques siècles, la foi nous plaçait au cœur d’un univers qui se limitait à notre seul système solaire, la question de la vie extraterrestre ne se posait pas, Dieu nous ayant fait à son image, nous étions peinards.

Ainsi les étoiles n’étaient rien d’autre que quelques lampions scintillant dans la nuit. Vinrent Galilée, Copernic et tous les autres qui ajoutant leur grain de sel, leurs grains de sable grippèrent la belle mécanique céleste. Sautons quelques siècles et nous voici observant les premiers résultats de Planck qui, d’un coup, donne un petit coup de vieux à Hubble.


Pioneer - Nasa vue d'artiste



Recherche de la vie dans l’univers. Des sondes héroïques, Voyager, Pioneer nous ont appris que nous ne savions pas grand-chose sur notre propre système solaire. Elles emportaient sur leur flanc une petite plaque disant qui nous étions. Au cas où… mais à ce jour, sans le moindre succès. Dans notre recherche de l’autre, nous sommes parvenus non loin de Jupiter, Saturne…  

Jupiter planète géante, dix à douze fois le diamètre de la Terre, mais gazeuse. On disait même que sa faible densité lui permettrait de flotter sur l’eau. Jupiter est un fruit étrange qui n’a pas d’écorce mais possède un noyau, une collection d’anneaux dont un tourne dans le sens contraire des autres. Enfin cette merveille du système solaire possède une soixantaine de satellites naturels. Parmi les plus importants, les lunes galiléennes : Io, Ganymède plus grand que Mercure, Callisto mais c’est surtout Europe qui retient l’attention des scientifiques.

Imaginez une grosse bulle d’environ 3 000 km de diamètre qui tourne autour de Jupiter en environ 3 jours et demi. La surface d’Europe est faite d’une importante couche de glace, entre 5 et 30 km d’épaisseur. Sous cette glace, un océan de 90 à 100 km de profondeur, enfin un fond de roches silicatées et un petit noyau de fer. Définition sommaire assortie du très prudent « probablement ». C’est dans cette soupe sous-cutanée d’Europe, dans cet océan des profondeurs, dans ce medley entre 20 000 lieues sous les mers et voyage au centre de la Terre, dans cet endroit paumé où nul n’irait passer un week-end de Pâques que les scientifiques pensent qu’une forme de vie a pu, non pas voir le jour mais plutôt boire la tasse. Pourquoi ?

Parce que notre bonne vieille planète présente des similitudes avec Europe. Des fosses abyssales à plus de 10 000 mètres de profondeur, tapissées, animées par la tectonique des plaques et donc ponctuées de fumeurs blancs ou noirs et autres cheminées hydrothermales. Dans de telles conditions extrêmes, d’obscurité totale, de pression considérable - un milieu on ne peut plus hostile -  la vie, invraisemblablement, a trouvé sa voie et proliféré sans renâcler.  Alors même si l’on multiplie l’hostilité du milieu par dix ou par cent, pourquoi n’en serait-il pas de même sur Europe ? Bref, pour vérifier la présence d’une vie extraterrestre, le plus simple serait d’aller sur Europe pour commencer… On visite d’abord la Normandie en 2 chevaux, avant de décoller en jet pour les Bahamas.


Coupe d'Europe ©NASA

Seulement voilà, même si Jupiter, c’est tout ce qu’il y a de plus près de chez nous,  il faut bien compter 5,21 u.a. (1 Unité Astronomique = la distance Terre-Soleil, soit environ 150 millions de km) et donc pour simplifier : un peu plus de 781 millions de kilomètres. La sonde Galileo a mis six ans pour aller de la Terre à l'orbite de Jupiter. Sur place, pas question de se laisser entrainer dans l’orbite de Jupiter mais cap sur Europe, une partie de l’engin reste en orbite, une autre plonge vers la surface. Il s’agit d’une sonde thermonucléaire qui va s’enfoncer dans la glace à la manière d’une perceuse en la faisant fondre. Températures rencontrées sur Europe : - 150° Celsius.  Quand après quelques kilomètres de glace, plusieurs dizaines peut-être, l’océan sous-glacien sera atteint, un module d’exploration sous-marin prendra le relai toutes caméras allumées et tous ses instruments en service…

Stop ! Si le résumé tient en quelques lignes, l’addition, elle, dépasse déjà quelques milliards d’euros. Pire, en l'état actuel de la technologie spatiale, il n’est pas sûr que nous sachions faire. Aller d’une planète à une autre, en utilisant l’effet de fronde, comme le firent les sondes automatiques, est une chose, les poser sans encombre en un lieu idéal en est une autre.

En raison de la distance qui pénalise lourdement les communications entre question et réponse, il faudrait qu’elles embarquent un programme très précis, donc très lourd, et surtout autonome.
Même chose pour le module sous-marin, qui se trouvera bien seul, dans l’océan sous la glace, privé de toute communication avec la surface et a fortiori avec la Terre.

Et puis, dernier détail : quelle vie nous attendons-nous à trouver ? Et de quelles précautions extrêmes devrons-nous nous entourer pour ne pas nous-mêmes égarer sans le vouloir dans les profondeurs d’Europe quelques infinis germes venus de notre bonne vieille planète...


Gérard Conreur pour France Culture 17/01/2011